Dans l'œil de Caroliny Pereira et Vladimir Igrosanac

Fraichement installés à Paul Bert Serpette, Caroliny Pereira et Vladimir Igrosanac sont tous deux animés par une même passion, le design moderniste brésilien. Lignes épurées mais non moins sensuelles, ce mobilier dans l’air du temps aux essences de bois rares attisera sans nulle doute votre curiosité…

Le modernisme brésilien nait dans les années 1940, notamment grâce à l’architecte Oscar Niemeyer, qui sera mandaté par le maire de Belo Horizonte Jocelino Kubitschek avant de devenir président de la République du Brésil pour piloter le projet de Pampulha, un vaste ensemble moderniste autour d’un lac. Afin de meubler ces nouveaux espaces, il fait appel à toute une nouvelle génération d’architectes, artistes et menuisiers au savoir-faire très pointu. Il n’existait alors que du mobilier d’inspiration coloniale dont le style n’était pas du tout en adéquation avec cette nouvelle architecture. Autour de Niemeyer se cristallise toute une utopie sociale. Conscients que cette utopie prend fin dans une Europe embourbée dans la seconde guerre mondiale et le totalitarisme, ils se sentent héritiers de celle-ci. A eux de porter le flambeau de ces idéaux.  Ils vont trouver au Brésil une page blanche, que l’on peut écrire à partir de zéro sans renier leurs origines et inspirations, mais en étant porteurs d’une étincelle, avec une disponibilité totale.

Ces nouveaux créateurs ne souhaitent plus copier l’Europe avec un siècle de retard, mais véritablement participer à un nouveau mouvement international et l’interpréter avec l’essence même du Brésil. Pour cela, ils vont s’inspirer des grands architectes comme le Corbusier, la volonté d’Oscar Niemeyer étant de « tropicaliser le style du Corbusier ». Tout en reprenant les lignes légères et épurées, ils tirent parti des essences précieuses locales et y ajoutent des courbes et de la sensualité. Une attention particulière est donnée au corps et à l’environnement. Le travail de Joaquim Tenreiro en est un parfait exemple. Son mobilier, toujours en adéquation avec le climat brésilien chaud et humide, est doté de matières respirantes. Bois précieux, cannages, tissus légers, donnent un aspect aéré au mobilier, inspirés des hamacs indigènes en filets. Pour vivre avec la chaleur et l’humidité, il est primordial que le meuble puisse respirer.

Le coup de cœur de Caroliny et Vladimir, un buffet de Giuseppe Scapinelli des années 1950

Giuseppe Scapinelli s’est formé à l’architecture en Italie, avant d’émigrer au Brésil. Mondain et bon vivant, il rencontre la haute société de São Paulo qui devient rapidement ses clients. Amoureux de design brésilien, il en côtoie naturellement les designers et ouvre une galerie pour les vendre. Par passion, il produit lui-même quelques pièces pour ses clients et amis.

Étant issue d’un tout petit atelier très artisanal, cette pièce très rare n’est pas numérotée. Scapinelli utilise des bois typiquement brésiliens, notamment du caviuna pour la majeure partie du corps. Les tiroirs et la porte cannelée sont en pau marfim, les poignées et les têtes de serrures en laiton. Ce buffet garde encore son étiquette d’origine, ce qui est très précieux.

Doté d’une dimension hors norme, il est parfaitement bien conservé. La forme de ce meuble est d’une liberté totale, navigant entre influences cubistes et futuristes. Le piétement en évoque d’ailleurs ouvertement l’esthétique. Bien que s’inspirant de ces mouvements européens, Scapinelli apporte à ce meuble un peu plus de sensualité. Les pieds en courbe apportent souplesse et élégance, la finesse du bois donne l’impression d’une marqueterie.

Exprimant force et mouvement, c’est l’essence même du design moderniste brésilien qui est concentré en cette pièce.