Dans l’œil d’Emmanuel Roucher : la transition du XIXème au XXème en peinture

Spécialiste aguerri, Emmanuel Roucher évoque avec nous la transition du XIXème au XXème en peinture. Vaste sujet, qui mériterait toute une thèse selon le passionné, pour lequel il s’attelle aujourd’hui à nous donner des pistes de réflexion.

 

Alors que nous venons à peine de fêter le centenaire du Carré blanc sur fond blanc (1918) de Malevitch, il est intéressant de poser un regard sur cette période charnière entre le XIXème siècle polymorphe, d’une richesse infinie, et le XXème siècle qui apportera cette réflexion si particulière sur la relation de la peinture au réel.

En cette fin de XIXème siècle, les nouvelles Ecoles et tendances comme l’Impressionnisme s’intéressent à la disparition des contours qui posent la question de la perception directe de l’objet.

Face à la photographie et son rendu hyper réaliste, la peinture se heurte à des limites. Une représentation quelques fois à bout de souffle de par son académisme et orientée pour un marché de l’art dominé par de grands bourgeois, dont le gout était avant tout guidé par une appartenance de classe sociale, laissant peu de place à l’innovation. Les peintres se retrouvent alors devant un problème abyssal… comment renouveler la peinture en expérimentant une nouvelle voie et une nouvelle manière de concevoir les formes ?

A travers l’abstraction, la peinture va rendre visible cette tension entre l’apparence et l’essence des objets. Ce détachement progressif aux mondes des objets va laisser une grande liberté à la représentation, quitte à accentuer des déformations et des façons de regarder.

Evidemment, l’exemple du Cubisme, où le peintre va synthétiser et simplifier l’objet en le représentant sous différents points de vue en même temps sur sa toile, nous saute aux yeux d’autant mieux avec cette problématique en tête.

Les avancées scientifiques avec la découverte des quantas confortent les peintres dans cette prise de conscience radicale et violente qu’est l’impossibilité de représenter les choses telles qu’elles sont. Aucun modèle, aucune représentation n’est désormais possible pour rendre compte de la complexité du réel.

De ce monde en constant mouvement et changement, il ne nous reste plus qu’à décider avec force et provoquer son interprétation qui aura plus de force qu’une pâle copie d’un mouvement impossible à représenter… La non-objectivité comme seule vérité possible.

Ces expérimentations ont révolutionné notre façon de voir, d’appréhender la peinture. Aujourd’hui encore, nous en sommes les héritiers.

 

 

Descriptif des oeuvres

 

photo 1 :

Marcel-Lenoir (1872-1930), 2 femmes dans un paysage, huile sur toile datée 1916

100x66cm

 

photo 2 :

Jacques Henner (1829-1905), petite esquisse "Déploration du Christ mort par Marie-Madeleine", huile sur panneau

12,5x21cm

 

photo 3 :

Raoul Dufy (1877-1953), petite esquisse "à l'amie Lilette" (amie et modèle d'Othon Friesz avec qui il habite en ce début du XXème siècle), huile sur carton toilé vers 1905

16x32cm

 

 

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