Quand Laurence Piron marie les styles

Marier les styles du 17ème au 20ème, embrasser la haute époque, contempler un portrait allégorique accoudée sur une table de changeur suisse du XVIIème et ranger ses étoles dans une commode vénitienne XVIIIème… Telle est la sensibilité de Laurence Piron. Découvrez, au-delà d’une histoire, une réelle proposition artistique… 

Parlez-nous de votre parcours

En tant que fille de marchand je suis, en quelque sorte, née dans ce métier ; je peux même dire que j’arpente les allées de Paul Bert Serpette depuis ma jeunesse, mon père ayant acheté le stand que j’occupe aujourd’hui en 1959.

Comme beaucoup de marchands à l’époque, il présentait des meubles et objets XVIII et XIXème, principalement d’époque Napoléon III.  Adolescente, je l’accompagnais dès que possible dans ses tournées d’achat en province. Le samedi, je passais également la journée au stand avec lui. Plus tard, c’est seule que je tenais le stand le dimanche et lorsque mes parents partaient en vacances. Que de bons souvenirs… Aujourd’hui ce stand est devenu mien, mais avant de me lancer, j’ai commencé par prendre un tout autre chemin.

Il faut se souvenir qu’il y a 30 ans ce métier était majoritairement masculin. Plutôt bonne élève, j’ai donc commencé par faire des études, assez généralistes, en école de commerce. Quinze années s’en sont suivies au sein de différents services marketing dans les médias puis en tant que free lance, tout en continuant à venir aux puces le plus souvent possible. Mon statut de free-lance me permettait également d’aller à Drouot au gré de mes envies et de partir chiner en province. Aspirant à toujours plus de liberté, les crises économiques des années 2000 et mon amour pour le charme, l’esthétique de l’ancien ont eu raison de moi… Voilà maintenant près de 15 ans que j’ai repris le flambeau, à mon compte. Lorsque l’occasion s’est présentée j’ai acheté le stand 126, à côté du 124 bis afin de pouvoir exposer des pièces plus conséquentes, plus décoratives, que je souhaitais mettre en valeur.

Justement, que présentez-vous sur votre stand ?

Si je voulais poétiser la chose, je dirais que je présente « ma sensibilité », des objets sur lesquels mon œil s’arrête, que je reconnais comme authentiques, qu’ils soient du XVIIème siècle ou des années 70. J’ai besoin d’être touchée par le charme ou l’histoire d’une pièce, je propose souvent ce que je pourrais installer chez moi. Avec un meuble vénitien du XVIIIème, je vois Venise, les objets ont ce pouvoir de nous faire voyager… Très paradoxalement, mon stand est à la fois hétéroclite par la diversité des pièces qui le composent et homogène par la sensibilité qui guide mes choix. J’essaie de créer un lieu de charme, chaleureux qui ne se veut toutefois pas trop sérieux…

Vous trouverez ainsi sur mon stand du mobilier à la valeur plus décorative qu’utilitaire. Je ne présente donc pas le canapé confortable, bien qu’une banquette 17ème puisse l’être, mais plutôt le fauteuil d’appoint, la table de milieu, des miroirs, des tableaux et sculptures… Des objets qui méritent un espace pour être regardés. Sans parler d’époque de prédilection, j’ai un petit faible pour la haute époque jusqu’au XVIIIème au travers du travail français, italien, espagnol ou sud-américain. Au-delà du charme des objets de cette période, leur valeur décorative se marie à mon sens parfaitement avec le mobilier design et j’essaie d’ailleurs de suggérer ce mix. Cette touche d’histoire permet aux gens de créer un intérieur personnalisé, atypique, qui sort un peu d’un décor trop linéaire. Les clients s’imaginent parfois des prix pharamineux mais une table XVIIème ou bien une paire de miroirs italiens du XVIIIème restent à des prix raisonnables pour ceux qui ont le goût de l’ancien.

Et que vous inspire le métier d’antiquaire ?

Baignée dans le monde des marchands depuis l’enfance, j’ai grandi avec l’idée que ce métier est symbole de liberté, d’amour des belles choses et de profond respect pour l’histoire de chaque objet. Très vite, j’ai compris qu’il s’agissait davantage d’un mode vie que d’un travail. Mon œil s’est alors formé au fil des années, grâce à mon père notamment, qui m’expliquait la provenance des meubles, leur histoire, leur fabrication et les caractéristiques esthétiques de chaque époque. Ecumer les salles de ventes, la documentation et bien sûr le partage de savoir avec mes collègues de Paul Bert Serpette ont aussi été d’une grande aide…

Que représente Paul Bert Serpette pour vous ?

Paul Bert Serpette est un lieu magique, allégorie du rêve tant par sa configuration géographique que sa concentration de marchandises variées. Le marché concentre un panel de personnalités aussi fortes qu’intéressantes à côtoyer, une richesse humaine incontestable ! La concurrence de valeur qui règne dans les allées est nécessaire pour la clientèle mais également pour nous, marchands. Cela permet de nous stimuler dans notre quête de l’objet atypique, rare, précieux… Je suis née ici et rester à l’extérieur m’apparaissait vital afin de pouvoir contempler le ciel, « dehors, c’est la liberté, la vie".

Parlez-nous de votre dernier achat coup de cœur

J’ai pu acquérir, avec un ami marchand, un confessionnal très rustique, du XVIIIème siècle, en sapin, provenant d’une chapelle des Alpes. Il trônait au sein d’une maison en Provence et reste en très bon état malgré les siècles passés. C’est un objet intriguant et charmant dans lequel, une fois assis, on se sent, en effet, invité à la confession, ou du moins à la confidence au travers de cette petite grille. Tant de choses ont dû être dites sur ce confessionnal… Il peut faire office de siège ou simple objet décoratif captivant par son histoire et son atypisme. Je suis ravie de présenter ce coup de cœur, c’est une pièce réellement différente, qui peut apporter ce « petit plus » à un intérieur.

 

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